Les vestiges les plus anciens d’habitants retrouvés à Miravet correspondent aux ibères. Entre le Ve siècle av. J.-C. et le Ier siècle av. J.-C., la colline fut occupée par un village qui s’étendait de la partie supérieure à la zone appelée des écuries. Ils s’installèrent ici probablement pour profiter des avantages défensifs de l’endroit. Les fouilles archéologiques ont mis au jour des restes de céramique et de quelques constructions de cette période.
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Suite à la conquête musulmane de la péninsule Ibérique en 711, Miravet fut incorporé à l’Al-Andalous et se retrouva dans un grand espace économique et culturel qui s’étendait jusqu’en Inde. De nouveaux produits et techniques d’irrigation arrivèrent ainsi à la zone et la transformèrent en une plaine de potagers productive.
Cette zone de l'Èbre est un espace agricole organisé en fermes et protégé par un hisn ou château car la frontière avec les comtés chrétiens était très proche. L’hisn, connu sous le nom de Mûrabit, était préparé pour accueillir la population en cas de danger. À la seconde moitié du XIe siècle, la pression chrétienne sur la zone de l’Èbre augmentant, le château fut renforcé et aménagé pour accueillir des unités militaires.
Les vestiges archéologiques indiquent que le château était formé de deux enceintes ayant un périmètre similaire à l’actuel. L’enceinte supérieure abritait les bâtiments principaux mais n’était pas résidentielle ; des restes d’édifices simples, probablement des ateliers, ont été retrouvés dans l’inférieure.
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Le 23 août 1153, Ramon Berenguer IV donna le château de Miravet et les communes qui en dépendaient à Pere de Rovira, maître templier d’Hispanie et Provence, en signe de reconnaissance à sa participation à la reconquête.
C’est alors que commence la période de plus grande splendeur de Miravet, qui devint un centre administratif de la province de Catalogne et Aragon de l’ordre du Temple, à laquelle étaient soumis les Templiers de Catalogne, Aragon, Majorque, Navarre et Valence.
Dès que l’ordre prit possession de Miravet, des travaux furent entrepris pour adapter l’hisn aux besoins d’une communauté de moines templiers tout en renforçant la forteresse. Les travaux durent avancer rapidement vu que le Chapitre général du Temple s’y réunit en 1235.
Quand la frontière musulmane fut stabilisée, les Templiers se concentrèrent surtout sur l’exploitation de leurs domaines afin d’approvisionner en ressources la maison mère de Jérusalem pour poursuivre la lutte en Terre Sainte. Ils y envoyèrent de l’argent et des hommes, mais aussi des produits comme du cuir, de la laine, du grain, des armes et des chevaux. Miravet s’était distingué pour le fait d’être la commanderie apportant le plus dans la province de Catalogne et Aragon car il s’agissait d’une zone importante d’exploitation agricole et d’élevage mais aussi industrielle, grâce aux moulins et aux ateliers que possédait l’ordre.
Miravet avait sous sa domination un vaste territoire incluant d’autres châteaux et communes : Gandesa, Corbera, Algars, Batea, El Pinell et Rasquera. Ce premier noyau grandit rapidement grâce aux dons de nobles et de particuliers qui profitent du prestige de l’ordre. Avec l’acquisition d'Horta, Ascó et Riba-roja, il domina toute la zone comprise entre l'Èbre et la rivière Algars qui composent aujourd’hui le canton de Terra Alta et une partie de la Ribera d'Ebre.
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En 1153, Miravet fut pris par les troupes de Ramon Berenguer IV, qui avait déjà reconquis Lleida (1148) et Tortosa (1149). Miravet est, avec Siurana, le dernier territoire musulman à tomber sous la domination chrétienne, dans l’espace qui finit par former la Catalunya Nova (Nouvelle Catalogne).
Malgré la reconquête, la population sarrasine reste dans les villages grâce à un privilège accordé par Ramon Berenguer IV leur permettant de conserver leur langue, leurs coutumes et leur religion. Jusqu’au XVIe siècle, Miravet maintint une majorité de population musulmane qui conserva son organisation communautaire et ses propres autorités.
Après la dissolution de l’ordre du Temple, ses biens furent attribués à l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem (1314). Avec cette décision, Miravet passe sous la châtellenie d'Amposta et perd le pouvoir détenu jusqu’alors.
Au cours de cette étape, le château de Miravet est surtout un symbole de la domination seigneuriale, centre de la perception de tributs et prison. La communauté n’y habite plus, elle vit dans des maisons du village. Après la guerre civile catalane (1462-72), au cours de laquelle les chevaliers hospitaliers prennent parti pour le roi Jean, le château cesse d’avoir un intérêt militaire.
Perdant de l’importance au sein des domaines des chevaliers hospitaliers, le château ne subit que des rénovations limitées et se détériore progressivement. Malgré tout, des travaux d’entretien sont ordonnés, auxquels les villages se trouvant sous sa domination doivent participer, comme la construction d’une tour dans l’enceinte supérieure ou le nivellement de l’enceinte inférieure.
La relation entre les chevaliers hospitaliers et la population du bailliage est réglementée par les Coutumes de Miravet, adoptées en 1319. Bien que la commune dispose d’une certaine autonomie par le biais de l'aljama (mosquée principale) et du conseil, l’ordre en exerce le contrôle en désignant les officiers et en appliquant le droit de justice civile et criminelle.
La domination des chevaliers hospitaliers demeure jusqu’à l’abolition des seigneuries au XIXe siècle.
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À la fin du XIIIe siècle, l’ordre du Temple, à l’instar des autres ordres militaires, entra dans une période de crise quand ses objectifs furent remis en cause après la chute du royaume de Jérusalem. La perte de poids politique et social du Temple coïncide avec des campagnes de discrédit de la part de certains monarques et membres de l’Église qui ne voient pas d’un bon œil les privilèges accumulés.
En 1307, l’Inquisition, favorisée par Philippe le Bel, roi de France, entreprit de poursuivre l’ordre du Temple en France. Certains monarques commencèrent à en faire de même, comme Jaume II d’Aragon qui ordonna d’assiéger les forteresses où se concentraient les Templiers, prêts à résister tandis qu’ils demandaient, en vain, la médiation du pape Clément V.
Alors que les autres forteresses tombaient, Miravet résista le siège dix mois, sous le commandement de frère Ramon de Saguàrdia, lieutenant des Templiers en Catalogne.
Le manque d’eau et d’aliments, ainsi que les désertions constantes, obligèrent les derniers Templiers à négocier une reddition. Finalement, le 12 décembre 1308, les vingt-deux hommes qui restaient au château se livrèrent aux officiers du roi. Néanmoins, six d’entre eux refusèrent de se livrer volontairement : frère Ramon de Saguàrdia, le commandeur frère Berenguer de Santjust, deux de ses neveux, frère Millàs et frère Siscar.
Les Templiers furent arrêtés et jugés par l’Inquisition. En 1312, le concile provincial de Tarragone les déclare innocents, à la différence d’autres lieux où ils furent déclarés coupables d’hérésie. Deux ans plus tard, l’ordre fut dissous et ses biens furent transférés à l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem.
Lors du conflit entre les institutions catalanes et la monarchie espagnole, le château des chevaliers hospitaliers fut occupé par l’armée franco-catalane dans le but de créer une ligne défensive fortifiée, marquée par le Segre et l’Èbre.
Miravet devint une des principales forteresses de la frontière de l’Èbre et connut donc plusieurs épisodes de guerre pendant le conflit. En 1643, les forces royales, commandées par le marquis d'Hinojosa, lancèrent une dure attaque contre le château. Toutefois, les assiégés reçurent le support du lieutenant La Mothe-Houdancourt qui mit en déroute les troupes castillanes, un exploit qui résonna dans toute la Catalogne en raison du nombre impressionnant de prisonniers, plus de mille.
Mais en 1650, une nouvelle attaque des troupes castillanes lancée de Lleida pour obtenir le contrôle de l’Èbre fit tomber les forteresses de Miravet et Flix. La domination de Miravet permit aux troupes royales d’occuper la rive occidentale et de construire un pont à Benissanet pour continuer à avancer.
C’est au cours du conflit que des travaux furent entrepris pour adapter le château aux exigences de l’artillerie.
MUÑÓZ I SEBASTIÀ, JOAN-HILARI,
"La guerra dels Segadors a les Terres de l'Ebre (1640-1651),
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Le 17 avril 1610, l’expulsion des Maures de Catalogne fut décrétée. Jusqu’en 1508, la majorité de la population de Miravet avait conservé la religion musulmane mais une conversion massive se produisit cette année-là à Miravet, Benissanet, Ascó, Vinebre et Riba-roja. Ce changement est dû, d’une part, à la crainte d’être expulsés et, d’autre part, à la volonté d’améliorer les conditions de vie des vassaux en supprimant certaines obligations et prestations personnelles auxquelles ils étaient tenus du fait de ne pas être chrétiens.
Bien qu’étant mélangés, ils conservèrent leurs coutumes et leur religion là où ils étaient une communauté majoritaire, comme sur les rives du Segre et de l’Èbre.
Avec la publication du décret de 1610, une enquête fut menée pour déterminer quels nouveaux chrétiens devaient être ou non expulsés en fonction de leur comportement social et religieux. Dans le cas de Miravet, l’expulsion de la majorité de la population fut ordonnée : 79 familles sur un total de 110.
Les Maures furent transportés en barque sur l’Èbre jusqu’au port des Alfacs, où ils furent embarqués pour l’Afrique du nord, entre le 15 juin et le 16 septembre. Mais certains se cachèrent pour éviter l’ordre d’expulsion, certains même avec l’aide du prieur de Miravet, car, pour les chevaliers hospitaliers, ce fait signifiait le dépeuplement d’Ascó, Benissanet et Miravet, et donc une perte importante de rentes.
Au lieu d’embarquer pour l’Afrique du nord, d’autres s’enfuirent en France et revinrent progressivement. Deux ans après l’expulsion, la plupart d’entre eux étaient revenus à Miravet, bien qu’ils aient perdu leurs possessions et durent se soumettre à de nouvelles conditions par lesquelles les chevaliers hospitaliers reçurent davantage de rentes.
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Retour des Maures
Avec la guerre de Succession espagnole, Miravet récupéra son rôle de forteresse. Après la victoire sur les hommes de Charles d’Autriche à Almansa (1707), les troupes philippistes, commandées par le duc de Berwick, entrèrent en Catalogne. Mais la résistance de Tortosa freina leur avancée car ils ne purent pas laisser les troupes austrophiles derrière eux. Lors de l’offensive sur Tortosa, Berwick attaqua Flix et Miravet, qui donnèrent support à la ville.
Els miquelets (partisans catalans mercenaires) ne purent pas conserver le château, qui fut alors occupé par les forces de Philippe V et converti en caserne militaire.
À la fin de la guerre, au milieu du XVIIIe siècle, la réorganisation des forces militaires poussa le capitaine général de Catalogne à ordonner l’abandon et la démolition du château ; il autorisa les habitants de Miravet à l’utiliser comme carrière. Le château subit une grave détérioration, tout y fut spolié : les murs, les portes et les fenêtres, la rosace de l’église, l’arc de triomphe et la statue de Santa Maria de Gràcia. En revanche, l’autel des templiers fut encore conservé dans l’ancienne église.
Bien qu’étant devenu une propriété privée, Miravet récupéra au fil du XIXe siècle sa fonction militaire quand les guerres carlistes éclatèrent. Pendant cette longue période de conflit, le château fut pris tantôt par les Libéraux, tantôt par les Carlistes.
Pendant la troisième guerre carliste (1872-1876), le château devint un bastion carliste jusqu’en 1875, année où les Libéraux, commandés par le général Martínez de Campos, occupèrent le château après un siège de vingt-quatre heures.
SAUCH CRUZ, NÚRIA,
"El control del territori en temps de guerra (1a meitat s. XIX): els sistemes defensius i les fortificacions al sud de l'Ebre i el Maestrat",
Recerca, núm. 11, 2007. Accès à l'article.
SAUCH CRUZ, NÚRIA,
"L'entramat social del primer carlisme a les Terres de l'Ebre i al Maestrat",
Recerques, núm. 51, 2005. Accès à l'article.
Avec la sécularisation de Mendizábal en 1835, l'ordre de l'Hôpital perdit définitivement la propriété du château, qui fut vendu à Antonio Satons i Vilanova, habitant de Tarragona. Le château resta malgré tout abandonné et fut spolié à plusieurs reprises.
COT MIRÓ, ARTUR,
"Espoliacions al castell de Miravet",
Miscel·lània del Centre d'Estudis Comarcal de la Ribera d'Ebre, núm. 10, 1995.Accès à l'article.
Abandonné, le château tomba dans l’oubli jusqu’à ce que la Generalitat de Catalunya en reçoive le don et le déclare Bien Culturel d'Intérêt National en 1990. Suite à des travaux de fouilles et restauration, le château entama une nouvelle étape en tant que monument. Il fut ouvert au public en juillet 1994.
Conférence Tribune d'Archéologie 2011-2012 : Le château des templiers de Miravet, ses précédents et ses transformations (Miravet, Rivera d'Ebre). Accès à la conférence.
Afin de stopper l’offensive franquiste sur Valence, l’armée républicaine lança ce qui deviendrait la campagne la plus ambitieuse de toute la Guerre civile. La nuit du 25 juillet 1938, l'armée républicaine franchit l’Èbre à différents points entre Amposta et Mequinensa. Un des premiers lieux était Miravet, dans le but d’occuper le village et d’obtenir le contrôle du château.
L'armée républicaine avança et occupa les montagnes de la Fatarella, Pàndols et Cavalls mais la supériorité de l’armée nationale en matière d’effectifs et de support aérien stoppa l’attaque. Les forces républicaines se retranchèrent et résistèrent au cours d’une guerre d’usure, coincées entre le fleuve et l’ennemi. Les combats furent sanglants. Des milliers de jeunes recrutés lors des dernières mobilisations périrent au cours de cette bataille, qui fut considérée comme l’épisode le plus long et cruel de la guerre.
Au cours de la bataille de l’Èbre, le château fut utilisé comme caserne militaire. Miravet faisait fonction de liaison entre le front et l’arrière-garde et servait de base d’approvisionnement des forces républicaines, ce qui explique les divers bombardements sur le village et le château.
Le 4 novembre, les troupes de la première division de Navarre occupèrent le village tandis que les forces républicaines se retirèrent, ce qui mit un terme à la bataille qui représente l’effondrement définitif des armées républicaines. L’avancée franquiste fut dès lors imparable.
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